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FIRDS : un référentiel valeur européen

20 mars 2019 | MOA | 1 comment

Cet article est le deuxième d’une série consacrée aux données mises à disposition publiquement par les autorités de régulation ou de supervision des marchés financiers. Après un premier article consacré au LEI (Legal Entity Identifier), identifiant les entités juridiques qui négocient sur les marchés financiers mondiaux. Celui-ci s’intéresse aux données de référence sur les instruments financiers qui sont négociés sur les marchés financiers européens. Un troisième article à venir décrira les calculs de liquidité et transparence des instruments.

Les référentiels de l’ESMA

L’Autorité Européenne des Marchés Financiers (AEMF) est plus connue sous l’acronyme anglais ESMA, pour European Securities and Markets Authority. L’Union Européenne charge l’ESMA de rédiger les standards techniques d’implémentation des directives et règlements européens. Ils sont les véritables cahiers de charges pour les S.I. des établissements de crédit ou entreprises d’investissement.

L’ESMA a également pour mission de centraliser un certain nombre de déclarations et de données issues des autorités nationales de régulation dans chaque pays de l’Union Européenne. Plusieurs réglementations font obligation à l’ESMA de publier des données sur son site internet. On pourra y trouver par exemple :

  • La liste des gestionnaires de fonds concernés par la directive AIFM (fonds alternatifs, hedge funds…)
  • La liste des MTF et des Systematic Internalisers, dans le cadre de MIFID I
  • La liste des prospectus approuvés, voire les prospectus eux-mêmes, dans le cadre de la directive Prospectus 2003/71/CE, remplacée par le règlement (UE) 2017/1129.

Toutes ces données sont publiques et consultables à l’adresse suivante : https://registers.esma.europa.eu/publication/

Dans cet article, nous allons nous intéresser à un des derniers nés de cette famille de référentiels :Financial Instruments Reference Data System, ou FIRDS.

Suite à la directive MIFID II, et plus précisément à l’article 27 du Règlement (UE) N°600/2014 (règlement MiFIR). Mais également suite à l’article 4 de la directive MAR (Market Abuse Regulation), l’ESMA publie maintenant dans le référentiel FIRDS des données de référence identifiantes concernant les instruments traités sur les marchés européens.

Contrairement à la législation européenne qui est disponible dans toutes les langues de l’Union, les documents de l’ESMA sont exclusivement en anglais.

Rappel des obligations règlementaires

L’article 26 de MiFIR fait
obligation aux entreprises d’investissement qui exécutent des transactions sur
instruments financiers de déclarer ces opérations auprès du régulateur, au plus
tard à J+1. C’est le célèbre reporting
des transactions
, une des parties les plus visibles de MiFID II, en tout
cas au niveau des marchés électroniques et du front-office en général.

Pour que ces déclarations
très détaillées (65 champs de données définis par l’ESMA pour chaque
transaction) puissent être utiles au régulateur dans sa mission de supervision
des marchés, il est nécessaire que celui-ci puisse identifier sans erreur et
sans ambiguïté l’instrument financier qui fait l’objet de la transaction.

C’est pourquoi l’article 27 stipule que les « plates-formes de négociation fournissent aux autorités compétentes des données de référence identifiantes aux fins de la déclaration des transactions ». Ces données doivent être fournies au plus tard le soir du premier jour où l’instrument est côté.

Ces données seront particulièrement importantes pour les transactions de gré à gré. Elles peuvent porter sur des instrument non listés, non standardisés, et donc potentiellement difficiles à identifier pour le régulateur. Dans ce cas de figure, c’est la codification CFI (Classification of Financial Instruments, ISO 10962) qui devra être utilisée par l’opérateur de la plateforme pour décrire l’instrument.

Détails des données de référence

L’ESMA a publié le 28 septembre 2015 ses premiers projets de normes techniques (Regulatory Technical Standards, ou RTS) pour l’ensemble de la directive MiFID II, dont la RTS 23 portant sur les données de référence. Cette RTS 23 a été adoptée par la Commission Européenne sous la forme du Règlement Délégué (UE) 2017/585.

Le tableau 3 de l’Annexe de ce règlement liste les 48 champs à renseigner, répartis dans les neuf catégories suivantes :

  • champs généraux
  • champs concernant l’émetteur
  • champs concernant la plate-forme de négociation
  • champs concernant le notionnel
  • champs concernant les obligations ou autres titres de créance
  • champs concernant les instruments dérivés et les instruments dérivés titrisés
  • instruments dérivés sur matières premières et sur quotas d’émission
  • dérivés sur taux d’intérêt
  • dérivés de change

Les quatre premières catégories sont communes à tous les types d’instruments. Pour les cinq premières catégories, seule celle qui correspond à l’instrument sera présente.

A titre d’illustration, voici la description détaillée des cinq premiers champs:


A noter que l’émetteur doit être identifié par son LEI.

Plateforme de négociation

La plateforme sur laquelle le titre est listé, est renseignée dans le champ 6 par le code MIC (ISO 10383). Le référentiel comprend un enregistrement pour chaque couple (ISIN, marché).

Le cas particulier des obligations

INVIVOO est l’opérateur de la plateforme Electryon, qui permet le trading sur les obligations corporate. Pour ce type d’instrument, on a les informations suivantes dans FIRDS :

Informations absentes

L’ESMA ne fournit pas certains types de données puisque la motivation de celle-ci est liée au reporting des transactions. Il s’agit des données suivantes:

  • Les échéanciers détaillés de paiements de coupons, avec notamment les premières et dernières périodes qui peuvent être non standards,
  • Les règles de calcul des périodes (30/360, Actual/Actual, etc.),
  • La notation de la dette.

Les informations listées dans les deux premiers points sont nécessaires pour calculer correctement un coupon couru et le rendement de l’obligation. Elles figurent dans le prospectus de l’émission, c’est-à-dire la documentation juridique qui est produite lors de la création du titre et de sa première mise sur le marché. Mais les prospectus sont rarement « machine-readable », on les publie généralement au format PDF. De plus, c’est un domaine dans lequel il y a très peu de standardisation d’une émission à une autre, ce qui nuit au développement de l’activité et à la liquidité de ces marchés puisque la comparaison entre deux titres est d’autant plus difficile.

Quand au point 3, et même si les notations font partie des informations les plus recherchées par les opérateurs des marchés de la dette, les opérateurs des plateformes de négociation ne peuvent pas fournir ces données à l’ESMA, tout simplement parce qu’elles ne sont pas publiques. En effet, elles sont la propriété des agences de notation qui les produisent (S&P, Fitch, Moody’s, …), et leur redistribution est payante.

Accès au site, téléchargement des données

On a souligné plus haut le fait que ces données du régulateur sont publiques, voyons donc concrètement comment on peut se les procurer, et à quoi elles ressemblent. Il suffit pour cela de pointer son navigateur préféré sur le site de l’ESMA, où on trouve deux accès possibles :

Interrogation en ligne

On peut interroger les référentiels de l’ESMA directement sur le site. On obtient immédiatement les réponses à l’écran. Pour cela, cliquez sur le lien suivant : https://registers.esma.europa.eu

A gauche de la page, sous l’intitulé “Refine Search” se trouvent plusieurs champs de saisie. Dans le champ “Keyword search”, renseignez un code ISIN, par exemple FR0010286294, et tapez “Entrée”.

Vous obtenez 16 réponses (exemple ci-dessus) avec des informations telles que : Place de cotation (trading venue), identifiée par son code MIC, ici XPAR : Euronext Paris

Nom complet de l’instrument (ici, pour une obligation, on a classiquement émetteur/taux/maturité, soit BPCE3,75%24FEB18),

Code CFI DBFGFB, voir https://en.wikipedia.org/ pour une explication détaillée de cette codification, et aussi http://www.iotafinance.com/Decodage-de-codes-CFI-ISO-10962-2015.html pour un outil interactif de décodage en ligne :

  • Emetteur du titre, identifié par son LEI, ici 9695005MSX1OYEMGDF46. La Global LEI Foundation propose un outil d’interrogation en ligne à l’adresse https://www.gleif.org/en/lei/search/
  • Date d’admission à la cotation…

Téléchargement de fichiers

L’autre option consiste à télécharger des fichiers à partir de l’adresse : https://registers.esma.europa.eu

Le document https://www.esma.europa.eu décrit précisément le mode opératoire et la structure des fichiers.

En résumant de façon très synthétique:

  • l’ESMA publie une fois par semaine un fichier “full”, c’est à dire contenant les données de référence pour tous les instruments financiers traités sur tous les marchés de l’UE, et chaque jour un fichier ‘delta” avec les changements du jour.
  • Les fichiers sont au format zip, contenant du XML non indenté, avec une seule ligne par fichier (utiliser un outil tel que http://xmlwriter.net pour obtenir une version lisible).
  • Les fichiers XML (voir un extrait ci-contre) sont conformes à une grammaire XML Schema qui est elle-même fournie par l’ESMA sur le même site (à titre d’information, ces schémas XML sont issus des standards S.W.I.F.T et de la norme ISO 20022).

Pour des raisons de taille très importante, le référentiel « full » est découpé en plusieurs fichiers, par type d’instrument, identifié par la première lettre du code CFI (E pour equities, D pour Debt, etc). Si les données sont encore trop volumineuses, chaque fichier sera splitté en lots de 500 000 enregistrements.

Exemple : en date du 27/01/2018, on trouve 20 fichiers correspondant à une dizaine de types d’instruments. Pour les titres de dette (lettre ‘D’), il y a 3 fichiers, puisqu’il y a plus d’un million de titres répertoriés dans la catégorie « dette ».

Exploitation de ces fichiers : comme l’ESMA fournit les schemas XSD auxquel se conforment les fichiers XML, il est relativement facile de développer des programmes qui extraient la donnée du fichier XML pour la rendre plus facilement manipulable, soit sous forme de .csv lisible par Excel, soit dans une base de données relationnelle.

Importance du référentiel valeurs

Dans tous les projets informatiques en finance de marché se pose la question du référentiel valeurs, c’est-à-dire le référentiel exhaustif des titres et contrats (avec le détail de leurs caractéristiques) que l’entité est susceptible de traiter sur les marchés. La plupart du temps, chaque application informatique au front-, middle-, ou back-office a son propre référentiel de valeurs. Il est rare que ces référentiels soient cohérents entre eux.

Les marchés financiers
eux-mêmes fournissent un référentiel quotidien, souvent appelé le dictionnaire du marché : c’est la
liste des instruments financiers qui peuvent être traités sur le marché ce
jour-là. Mais c’est un référentiel très limité, qui ne contient que des
caractéristiques très liées au trading sur la plateforme en question :
codification spécifique (autre que ISIN), incréments minimum de prix et de
quantité, etc.

Sinon, il est possible de se procurer des référentiels, avec mises à jour quotidiennes, auprès des grands fournisseurs de données tels que Thomson Reuters, Bloomberg, SIX Telekurs, FactSet, et autres, mais le coût est souvent prohibitif.

Conclusion

On voit bien que disposer d’un référentiel valeurs unifié est un objectif souhaitable à plus d’un titre, mais jusqu’ici difficile à atteindre. Or le régulateur, en mettant à disposition gratuitement son référentiel, vient clairement remettre en cause les modèles établis. On va donc suivre attentivement la réaction des fournisseurs actuels, bien évidemment, mais aussi – n’oublions pas que ce sont eux qui créent la donnée – celle des émetteurs eux-mêmes.