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Introduction à la réforme Bâle IV

30 juillet 2020 | Risques | 0 comments

Alors même que les banques travaillent encore sur la mise en place des règles de Bâle Ill, les régulateurs se penchent déjà sur la mise en place des nouvelles réformes de Bâle IV. La nouvelle réforme a pour but de renforcer de manière significative le niveau et la qualité des fonds propres requis au titre des exigences de solvabilité pour permettre aux acteurs du marché financiers une capacité d’absorption des chocs de crise plus importante.

Ces évolutions impactent essentiellement le risque de crédit, le risque de marché ainsi que le risque opérationnel. En effet, alors que Bâle Ill avait revu simultanément la définition du numérateur (les fonds propres éligibles) et le niveau minimal du ratio de solvabilité, rien ou presque n’avait été entrepris pour rajeunir le dénominateur, à savoir les actifs pondérés par les risques ou RWA*.

L’objectif des régulateurs avec cette refonte est de rendre ces RWA plus représentatifs des risques réels mais aussi plus comparables d’une banque à l’autre. Les modèles standards et/ou internes de calcul de risques de marché, de risques de contrepartie, de risques de crédit et de risques opérationnels vont être améliorés, ce qui engendrera des impacts énormes sur les modèles de risque.

Risque de marché et réglementation bâle iv

Portefeuille bancaire vs portefeuille de trading

La banque dispose de deux portefeuilles :

  • D’une part, le portefeuille bancaire (“Banking book”), dans lequel sont enregistrées la plupart des transactions à moyen et long terme. Celui-ci d’un point de vue réglementaire, donne lieu à une exigence en fonds propres au titre du risque de crédit.
  • D’autre part, le portefeuille de négociation (« Trading Book »), dans lequel est enregistré l’ensemble des actifs détenus à des fins de négociation à court terme, ou pour la couverture d’autres instruments de ce même portefeuille. Il donne essentiellement lieu, quant à lui, à une exigence de fonds propres au titre des risques de marché.

En classant certains produits et notamment des quantités importantes de « Collateralized Debt Obligations* » ou de produits équivalents dans le portefeuille de négociation, des établissements financiers ont pu réaliser des économies significatives en matière de fonds propres.

La revue fondamentale du trading book sous Bâle IV (FRTB) introduit une frontière plus stricte entre le portefeuille bancaire et le portefeuille de négociation. Ainsi pour classer des actifs dans le portefeuille de négociation, la banque doit pouvoir justifier d’une gestion active des positions sur ces actifs, en matière de stratégie de gestion, de suivi, de valorisation. Le transfert de position d’un portefeuille à un autre doit pouvoir être justifié et est soumis à des limites très strictes.

Revue de la valorisation du risque par les modèles internes et dans l’approche standardisée

L’établissement bancaire peut choisir des approches différentes pour calculer le RWA:

« Approche standard » :

L’ensemble des paramètres de calcul est défini réglementairement. Ainsi, selon cette approche, les autorités de contrôle déterminent les pondérations que les banques doivent appliquer à leurs expositions pour calculer leurs RWA.

« Approche notation interne » :

La pondération est calculée par la banque et non déterminée forfaitairement par la réglementation. Plus précisément, la banque est amenée à développer ses propres modèles pour déterminer les niveaux de risque courus sur ses expositions que sont les emplois pondérés (RWA – Risk Weighted Assets), qui servent quant à eux d’assiette de calcul des niveaux des fonds propres.

La première approche offre un modèle d’analyse et de pondération des risques assez exigeant sur l’analyse de ces risques alors que le deuxième peut être source d’erreurs d’estimation ou de sous-estimation volontaire des encours risqués, et donc des fonds propres à y allouer.

Les tests en modèle interne seront désormais opérés activité par activité et non pas au niveau global de la banque. Les nouvelles réglementations prévoient aussi l’introduction de nouvelles métriques de mesure de risque tel que l’Expected Shortfall (ES) à la place de la Value At Risk(***), très controversée.

Bâle IV prévoit aussi le renforcement des règles de validation des modèles internes et l’introduction de la comparaison systématique de ceux-ci avec les calculs par la méthode standardisée.

Risque de taux et réglementation bâle iv

L’IRRBB « Interest Rate Risk in the Banking Book » désigne le risque, actuel ou futur, auquel les fonds propres et les bénéfices de la banque sont exposés en raison de mouvements défavorables des taux d’intérêt qui influent sur les positions du portefeuille bancaire. Cet indicateur a pour objectif de capturer le risque de taux lié aux actifs dans le portefeuille bancaire.

L’IRRBB résulte de quatre aspects fondamentaux liés au niveau et aux caractéristiques structurelles des taux d’intérêt, ainsi que des effets que produisent sur eux les variations des courbes de rendement :

Le risque de décalage (1) : c’est le risque lié à la structure par termes de taux des instruments du banking book. Et il est caractérisé par le moment où le taux d’intérêt varie pour chaque instrument (en fonction du calendrier)

Le risque de base : Le risque de base décrit l’impact des fluctuations des taux d’intérêt sur des produits financiers ayant les mêmes échéances mais dont les indices associés diffèrent.

Le risque optionnel : Le risque optionnel est généré par des positions sur produits dérivés.

Le risque d’option comportementale : Les variations des taux d’intérêt peuvent changer le comportement d’un client, ceci dépend des souplesses contractuelles des produits.  La conjoncture actuelle démontre l’impact des remboursements anticipés dans le contexte de la baisse et stagnation des taux d’intérêt.

Il existe deux méthodes complémentaires pour quantifier le risque de taux dans le portefeuille bancaire, fondées sur :

Les variations des bénéfices attendus : Les méthodes fondées sur les bénéfices se concentrent sur l’incidence des modifications de taux d’intérêt sur les bénéfices futurs, enregistrés ou publiés.

Les variations de la valeur économique (economic value – EV, ou EVE – economic value relative to equity) la méthode fondée sur la valeur économique calcule la variation de la valeur actuelle nette du bilan en cas de tensions sur les taux d’intérêt.

Dans le cadre des nouvelles réglementations Bâle IV, les banques doivent se plier à des nouvelles contraintes imposées sur l’IRRBB. Ainsi les instances dirigeantes des établissements (ou leurs délégués) sont tenues de s’assurer d’avoir des stratégies de contrôle qui permettent de bien détecter leur exposition à l’IRRBB et s’assurer qu’il est correctement mesuré, suivi et contrôlé. Pour assurer l’intégrité des processus de gestion de ce risque des contrôles en internes à intervalles réguliers doivent être mis en place pour auditer l’efficacité du système (Pilier 2).

Des recommandations plus détaillées sont fournies sur la manière dont les banques devraient gérer l’IRRBB, en particulier sur l’élaboration des scénarios de choc et de tensions à appliquer à la mesure de l’IRRBB. Les établissements financiers sont tenus par la même occasion de rendre publique leur niveau de d’exposition à l’IRRBB pour plus de transparence et de comparabilité dans la mesure et la gestion de l‘IRRBB (Pilier 3).

Nous verrons, dans un prochain article, les conséquences des réglementations Bâle IV sur le Risque de Crédit et Opérationnel. En attendant, n’hésitez pas à suivre l’ensemble de nos articles réglementaires !

Annexes:

     (1)  https://epargne.ooreka.fr/astuce/voir/574907/risque-de-taux

Autres:

https://www.bis.org/bcbs/publ/d368_fr.pdf

 Lexique utilisé dans l’article et notes:

Historique Bâle I et Bâle II:

Les accords de Bâle I introduisent les principes règlementaires du ratio de solvabilité. Basé essentiellement sur le ratio Cooke, le cadre Bâle I définissait les exigences minimales des fonds propres par rapport à l’ensemble des encours de crédit accordés par une institution financière. Ainsi, le niveau du ratio Cooke était fixé à 8% des emplois pondérés. Autrement dit, la banque doit financer chaque 100 (euros) de crédit de la façon suivante : minimum 8 (euros) en fonds propres et maximum 92 (euros) en utilisant ses autres sources de financement tels que dépôt, emprunts, financement interbancaire, etc..

Les accords de Bâle II introduisent un nouveau ratio de solvabilité : le ratio Mac Donough dont le niveau reste à 8% des emplois pondérés, et couvre en plus du risque de crédit, le risque de marché et le risque opérationnel.

Mots clés:

Le risque de crédit est le risque de perte sur une créance ou celui d’un débiteur (une entreprise

Un dérivé de crédit est un produit financier à terme visant à transférer le risque de crédit d’un actif d’une contrepartie “acheteuse de protection” vers une contrepartie “vendeuse de protection” en échange d’une rétribution financière. La protection pourra être exercée lors de l’occurrence d’un événement de crédit sur l’actif sous-jacent du dérivé de crédit.Il existe de nombreux produits dérivés de crédit, du plus simple (CDS Single Name) au plus complexe (CDO Of CDO).

CDS credit default swap: est un contrat par lequel un vendeur de protection (Protection Seller) s’engage, contre le paiement d’une prime, en cas d’événement (credit event) affectant la solvabilité d’une entité de référence (Reference Entity), à dédommager l’acheteur (Protection Buyer). Le CDS fonctionne donc comme une option, ou comme une assurance. C’est un contrat qui se négocient de gré à gré.

Prime (premium) : montant payé par l’acheteur de protection au vendeur

Le risque de liquidité risque pour la banque de ne pas pouvoir faire face, à un moment donné, à ses engagements en mobilisant ses actifs),

Le risque de taux traduit l’incertitude sur les résultats financiers induits par l’exposition aux

variations de la courbe des taux. Ce risque est analysé en intérêts courus (impact sur la marge d’intérêt) ainsi qu’en valeur de marché (pour les éléments comptabilisés en juste valeur, et les indicateurs réglementaires en valeur actuelle nette).

Le risque de marché est le risque de perte qui peut résulter des fluctuations des prix des instruments financiers qui composent un portefeuille.Le risque peut porter sur le cours des actions, les taux d’intérêts, les taux de change, les cours de matières premières, etc

CDO collateral debt obligation 

Incremental Risk Charge : une charge en risque couvrant à la fois les risques de perte de valeur des actifs en portefeuille consécutivement au défaut de l’émetteur ou à une dégradation de sa notation. 

Value At risk: est une notion utilisée généralement pour mesurer le risque de marché d’un portefeuille d’instruments financiers. Elle correspond au montant de pertes qui ne devrait être dépassé qu’avec une probabilité donnée sur un horizon temporel donné. 

Expected Shortfall: mesure la perte moyenne sur une position de l’entreprise, et sur un horizon donné, dans x % des moins bons cas d’évolution des marchés financiers. Une expected shortfall de 10 M€ à 1 mois et 5 % signifie que sur 1 mois un portefeuille a une probabilité de 5 % de supporter une perte moyenne 10 M€.

RWA (risk weighted assets): les RWA entrent dans la méthode de calcul recommandée aux banques pour déterminer les niveaux de fonds propres minimaux dont elles doivent disposer. Elles représentent la somme des valeurs des différents actifs de la banque auxquels on applique différentes pondérations. Plus le risque associé à un actif est élevé, plus sa poids sera élevé.

« floor »: Lors du passage de Bâle I à Bâle II, les établissements financiers ayant développé des systèmes de notation interne – donc toutes les grandes banques – pouvaient aboutir à des pondérations en risque inférieures à celle du système précédent, ce qui leur économisait du capital réglementaire. Mais pour éviter un effet d’aubaine qui aurait diminué brutalement les fonds propres de ces banques, les régulateurs ont prévu un niveau plancher, le « floor ». En résumé, sous Bâle II, une banque ne peut pas afficher moins de 80% du capital dont elle aurait eu besoin sous Bâle I, donc si elle était entièrement en méthode standard

Loss Given Default (LGD) est un des trois indicateurs de risque de crédit de la réglementation Bâle II correspondant à l’évaluation la perte encourue en cas de défaut de la part d’une contrepartie. Le Loss Given défault est exprimé en pourcentage.

Collateralized Debt Obligations : Le CDO correspond donc à une opération de titrisation en vue de transformer certaines dettes (obligations, prêts, créances, autres titres adossés à des actifs, voire même d’autres CDOs) en produits financiers. Les CDOs ont en commun d’être émis en différentes tranches de la même façon que l’on titrise une créance. Ainsi l’émetteur vend aux investisseurs des produits plus ou moins risqués selon la tranche choisie.

(***)Le concept de stressed VaR a été introduit pour corriger la procyclicité de la VaR. En effet, celle-ci se calcule sur un horizon d’un an rétroactif. En période d’euphorie de l’économie l’évaluation du risque de marché par la VaR tend à minimiser le montant de perte potentielle à cause de l’augmentation des prix et de la diminution de la volatilité. La stressed VaR permet de mettre au point des scénarios calibrés sur une période de stress, et non uniquement sur l’observation des douze derniers mois. La stressed VaR est l’application de ces scénarios stressés aux positions de portefeuille à une date de calcul donnée.