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LIBOR : la fin approche à grands pas

23 octobre 2019 | Risques | 1 comment

Le Libor (London interbank offered rate) est l’indice de référence du marché monétaire de différentes devises depuis 1986. Il est publié par Thompson Reuters.

C’est un taux interbancaire permettant aux banques d’emprunter à court terme sans garantie. Le Libor est publié quotidiennement aux alentours de 11h par la ICE Benchmark Administration (IBA). En effet, les banques participantes au panel de fixation du Libor transmettent (contribution) quotidiennement leurs taux de refinancement. La BBA (British Banker Association), exclus les taux extrêmes (minimale et maximale) et publie le taux final comme étant la moyenne des réponses restantes.

Le Libor est actuellement publié sur 5 devises (EUR, USD, CHF, JPY et GBP) et pour 7 maturités (0d, 1w, 1M, 2M, 3M, 6M, 1Y).

Il sert de référence principalement pour le marché des swaps et des prêts / emprunts. Il joue un rôle central sur le marché financier.

Il existe plusieurs taux dit de référence (ou benchark) déterminés selon le même principe de contribution : Libor, Euribor, eonia, … On a coutume de les désignés comme des taux xIBOR.

Cependant, à l’usage, des limites ont été récemment constatées sur l’utilisation de ces taux. En effet, les taux xIBOR ont fait l’objet de plusieurs manipulations ternissant l’image de ces indices. Les scandales sur le Libor étaient alors répandus.

Quel était l’intérêt de manipuler Les taux LIBOR ?

  • Pour les banques:

Suite à la crise 2008, la BBA (association des banques britanniques) révèle que certains établissements bancaires ont déclaré des taux inférieurs à leurs taux de financement réels et cela afin de masquer leurs problèmes de liquidité.

En l’occurrence, il s’agissait d’annoncer un taux plus bas que celui des concurrents : dans le contexte de crise financière qui prévalait alors, une banque qui reconnaissait qu’elle empruntait plus cher que les autres risquait d’être immédiatement soupçonnée de fragilité, éveillant la méfiance généralisée à son égard.

  • Pour les traders:

Comment ne pas évoquer les traders, en effet,  suite à la crise de 2008, il fallait augmenter les profits et donc une annonce en hausse ou à la baisse par rapport au taux officiel permettait au trader de dégager des profits non négligeables.

Etant donné que le taux est déterminé par les annonces chaque matin des banques faisant partie du panel, il suffisait pour les traders d’annoncer un taux différent du taux réel, dans le sens qui les avantageait pour faire un gain.

Vous pourriez me rétorquer : « Les taux xIBOR, étant des taux de l’ordre inférieur à 1%, comment est-ce possible que les gains des traders soient si élevés ? »

La figure ci-dessous illustre l’utilisation de l’USD LIBOR dans une grande variété de transactions avec une exposition d’environ 200 trillions d’USD.

On rajoute à cela qu’en 2017, le marché des swaps et des autres produits dérivés ont atteint 350 milliards d’euros (400 milliards USD) en encours notionnel. Face à ces chiffres énormes, une simple manipulation d’une virgule suffit pour faire des gains assez considérables.

Conséquences de manipulations sur le taux libor ? Des sanctions et une série de mesures

Les banques condamnées ont été contraintes à régulariser environ 9 milliards de dollars d’amende. Parallèlement, plusieurs banquiers ont été condamnés à des peines de prison pour avoir manipuler ces taux. Actuellement, des procès des certains individus soupçonnés sont toujours ouverts.

Face à ce sandale, La FCA (Financial Conduct Authority) a annoncé officiellement l’arrêt de l’utilisation de Libor.

La directive Benchmark entre en vigueur en 2018 et fixe les critères obligatoires pour les taux considérés comme référence. Dans les faits, l’utilisation du Libor est maintenant découragé, car les taux de type xIBOR, ne respectant pas ces critères, ne sont plus autorisés. L’appel au changement devient quasi-imminent.

L’appel au changement: des jalons très serrés…

Deux jalons ont été imposés et sont essentiels de connaitre:

  • Décembre 2020: Tous les nouveaux contrats doivent faire référence aux taux conformes à la directive Benchmark. Le taux Libor ne sera plus autorisé en 2020.
  • Décembre 2021: Fin de la publication des taux LIBOR. Le Libor ne sera officiellement plus publié.

 Néanmoins, la mise en application de telles mesures, suscite plusieurs questions :

 Actuellement, il existe des milliers de contrats indexés sur le Libor ayant pour maturité supérieure à 2021. Que fait-on dans ces cas si les renégociations avec le client n’aboutissent pas?

Ces contrats seront-ils définitivement supprimés ? Ou bien, continuera-t-on à utiliser le dernier taux Libor publié en décembre 2021 ?

Les répercussions de ces changements auront un impact global. Aussi surprenant que cela puisse paraître, même nous, les particuliers, sommes concernés par ce changement. Actuellement les taux d’intérêt qu’on calcule, que ce soit lors d’un prêt à un particulier ou dans le livret A, sont basés sur le taux Libor à 3M (remplacé par le PIBOR). Comment les intérêts seront calculés à partir de 2021 ? Et sur quelle base ? Ce sont autant de questions à se poser soi-même pour ceux qui ont déjà emprunté et ceux qui compte investir plus tard.

Le sujet est donc vaste et n’est pas prêt d’être conclu en un claquement de doigts et comme les délais sont très courts, des études d’impacts commencent à être établies dans les différents établissements. En parallèle, des nouveaux candidats ont été désignés pour les remplacements.

Les nouveaux indices

Des discussions sont toujours en cours. Chaque pays commence à proposer des alternatives pour remplacer le Libor. Les maturités sont quasiment toutes Overnight (24 heures).

Les nouveaux indices sont donc calculés sur la base des transactions en cours. Plus on a des transactions, plus le taux est pertinent. Les nouveaux taux se basent donc sur l’état du marché financier et non sur les annonces des banques sujet à la manipulation.

Toutefois, une question me vient à l’esprit : Pourquoi designer de nouveaux candidats ? N’aurait-il pas été mieux d’augmenter les contrôles des banques lorsqu’elles annoncent leur taux (4-eye) ?  La solution de partir sur une refonte totale de tout un modèle déjà implémenté dans toutes les banques sera très couteuse en termes de ressources et de budget et les conséquences (qu’on détaillera par la suite) ne sont pas négligeables.  D’autant plus que les jalons sont très serrés ! Nous essayerons prochainement de répondre à ces interrogations. En attendant, quel est votre avis sur le sujet ?

Conséquences de ce changement

Prévue en 2021, la disparition du Libor sur lequel des milliers de contrats sont indexés fait planer un risque majeur sur l’équilibre financier mondial. L’objectif étant de remplacer le taux le plus utilisé dans le marché, l’impact va au-delà d’une simple mise à jour des données.

En effet, il faudra d’une part gérer l’aspect juridique en renégociant les contrats avec les clients et en modifiant ou en supprimant certaines clauses. 

D’autre part, un impact fonctionnel non négligeable sera à prévoir. Dès lors que les nouveaux indices n’ont pas la même volatilité et ne couvrent pas les mêmes échéances que leurs prédécesseurs, Il faut s’attendre à des écarts non négligeables dans la valorisation des portefeuilles.

Il faudra également penser à mettre à jour les systèmes d’information pour les faire évoluer. Certains SI ont été conçus en prenant en compte un seul taux de référence (LIBOR) tandis qu’on s’apprête à passer à plusieurs taux (SONIA, ESTER etc.) avec des spreads différents. Certaines architectures doivent donc être revues.

Conclusion

On peut donc conclure qu’on aura bientôt un bouleversement dans le marché financier. Le taux Libor, longuement utilisé comme taux de référence sera abandonné dans les deux années à venir.

Face à ces délais très courts, il faut trouver une réponse à ces interrogations le plus rapidement possible afin d’anticiper les impacts majeurs de ces évolutions. Professionnels ou particuliers, nous sommes tous impactés par ce changement ?