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PRIIPS : les clefs de lecture d’un KID

12 mars 2019 | Risques | 0 comments

Un peu de contexte

La réglementation PRIIPs (Packaged Retail and Insurance-based Invesment Products) a été adoptée par le parlement Européen en 2014 pour une mise en exécution en janvier 2018. (Initialement prévue en janvier 2017)

Cette nouvelle directive vise à améliorer la transparence des produits d’investissement à destination des investisseurs de détail. Ceci dans le but de restaurer la confiance des épargnants et relancer les investissements sur les marchés.

Cette initiative a été lancée sur le constat que :

  • Les informations produits fournies aux investisseurs n’étaient pas suffisantes pour en apprécier la nature et les risques du produit.
  • Le manque d’homogénéité des documents fournis par les distributeurs ne permettait pas aux investisseurs de comparer les produits.

Les mesures

L’application de cette nouvelle régulation aboutit à la création d’un nouveau document nommé KID (Key Information Document) fournissant un descriptif d’un produit financier axé sur :

  • Une définition simple et concise du produit
  • Une représentation simplifiée des risques
  • Une clarification des coûts
  • Une recommandation sur la période de détention du produit

Ces informations et la manière de les présenter ont pour objectif une meilleure compréhension du produit par le client.

Mais la régulation va plus loin en imposant un format et des règles de calcul qui permettent à l’investisseur la comparaison des documents portant sur un même produit mais émis par des distributeurs différents.

De plus, ce document est obligatoire et doit être fourni par le distributeur au moment de la publication du prix.

A quoi ressemble ce nouveau document ?

Comme exposé ci-dessus, le KID a plusieurs sections distinctes qui ont chacune une fonction précise pour orienter et conseiller le client.

Une première section “Objectif”

Cette section est identique chez tous les distributeurs et n’est rien de plus qu’un “disclaimer” sur la nature de ce document.

Une section “Produit”

Cette section reprend les informations techniques du produit comme son ISIN, son émetteur…

Dans notre exemple, j’ai choisi de vous décrire un KID portant sur un Warrant Call ayant pour observable l’indice CAC40. Un produit assez simple mais avec un effet de levier qui donne lieu à un premier avertissement soulignant le caractère complexe de ce produit.

Les informations suivantes sont axées sur la définition du produit et son explication.

On arrive à la première révolution. Cette description narrative a pour but d’expliquer dans des termes simplifiés le type et l’objectif de ce produit ainsi que le profil d’investisseur visé.

Pour la première fois dans un document (en complément des nouveaux documents MIFID 2), le produit mais également l’investisseur visé sont décrits de manière concise et à la portée d’une personne ayant des connaissances restreintes des produits financiers (en comparaison des term sheets).

Nous pouvons donc lire que :

  • Le capital de ce produit est par nature non garanti
  • Les variations de prix (donc les gains ou pertes) sont amplifiées par l’effet de levier du produit
  • Certains événements “extraordinaires” peuvent causer la perte de l’investissement
  • Ce produit s’adresse à un investisseur qui a déjà une expérience dans ce type d’investissement et qu’il s’expose à des risques pouvant aller jusqu’à la perte totale de son investissement

Une section graphique portant sur les risques

Dans le cas ou l’investisseur n’aurait pas encore assimilé le risque associé à ce produit, un graphique complété d’un tableau informe de manière simple et directe le risque du produit et son espérance de gain via 4 scénarios de performance.

Le capital n’étant pas garanti (exposant le client à une perte totale de son capital) et le produit étant à effet de levier (ce qui amplifie le gain mais également la perte), il est donc raisonnable de noter ce produit très risqué.

On remarque que la complexité financière du produit n’a pas forcément un impact significatif sur cet indicateur. Pour illustration, un produit structuré (avec une plus grande complexité que notre exemple) avec capital garanti aura un scoring plus proche des 4-5 car la perte est limitée par les termes du contrat et donc une prise de risque moins importante pour le client.

L’indicateur de risque est enrichi par une simulation détaillée sous 4 axes exprimant le potentiel gain/perte du client, classement du scénario du moins au plus favorable.

Toujours dans un objectif de clarté d’information, la régulation a pris le parti de simplifier au maximum la représentation des scénarios via un tableau et non des graphiques souvent moins abordables par le client.

Les scénarios confortent le caractère risqué du produit. Dans 3 scénarios sur 4, la perte est totale pour le client sauf en cas de scénario favorable. Le facteur levier du produit peut effectivement faire plonger le prix du produit très rapidement et la probabilité d’une baisse du cours de l’observable étant non négligeable dans une durée de 1 mois et 4 jours (période de détention recommandée). Il semble donc logique que l’espérance de gain tende vers 0€ dans le scénario intermédiaire. Ce résultat serait surement différent si la plage d’observation était plus réduite.

L’illustration des coûts

Le calcul et l’affichage des coûts dans ce document a fait polémique et son calcul est peut-être celui le plus sensible.

En effet, pour les indicateurs de risque ou de scénarios, la publication des RTS (Regulatory Technical Standards) et le consensus entre les différents acteurs ont permis d’aboutir à un model de calcul partagé.

Pour le calcul des coûts, qui influe donc directement sur la représentation du prix, sa complexité peut s’expliquer comme suit :

  • Un consensus inter bancaire n’est pas permis car serait considéré comme une entente sur les prix entre les acteurs du marché et donc pénalement réprimandable
  • Un affichage des coûts, soit trop faible soit trop élevé, a un impact fort sur l’appréciation du client et donc sur son choix entre deux acteurs qui proposeraient le même produit (à prix identique)

Dans notre exemple, les chiffres peuvent être surprenants car la Société Générale remonte une incidence des coûts de 0 % sur son produit.

Ces chiffres peuvent s’expliquer par :

  • Le prix faible du produit – pour un cours du CAC40 à 5331 €, le prix du produit n’est seulement que de 0.15 €
  • Sa proximité à la date de maturité (au 30/07/18, indications valorisées fin juin)
  • Une probabilité d’exercice faible

La recommandation de la banque sur une période de détention du produit

La RHP (Recommanded Holding Période) est très importante et a une forte incidence sur les indicateurs présentés ci-dessus. Nous verrons par la suite que modifier cet indicateur peut faire varier les indicateurs de risque et de coûts.

Dans notre exemple, le période de détention recommandée par la Société Générale est d’un mois et quatre jours. Cela représente le temps restant entre la date d’évaluation des indicateurs et la maturité du produit. La Société Générale s’est donc basée sur cette période pour évaluer les indicateurs de risques, scénarios et coûts.

La Société Générale considère donc que ce produit est dédié à un placement moyen terme. Néanmoins, si on s’intéresse au texte en dessous, nous pouvons lire que le produit étant à un effet levier, cela rend impossible la recommandation d’une période de détention. La RHP étant un paramètre dans le calcul des autres indicateurs, on peut s’interroger sur la véracité de ces indicateurs.

Mais que se passerait-il si l’on faisait varier cette RHP ?

Par chance, BNP a émis exactement le même produit mais a estimé que le produit étant à effet de levier, le RHP n’était pas d’un mois et quatre jours mais seulement d’une journée (stratégie court terme).

A noter que la BNP se couvre de la même façon que la Société Générale.

L’impact de passer d’une RHP d’un mois à une journée ne fait que renforcer le caractère risque du produit, l’indicateur de risque reste donc identique à 7 (valeur la plus haute).

Cependant, les scénarios sont légèrement différents :

Le scénario le plus défavorable indique logiquement une perte totale du capital. Mais on peut observer que la perte n’est plus totale sur les deux scénarios suivants.

En effet, vu que la plage d’observation est plus courte, la probabilité que le cours chute autant en un jour est moins élevé que sur une période d’un mois. On remarque quand même que le client perd de l’argent dans 3 cas sur 4.

Pour le scénario favorable, l’espérance de gain est moindre pour la même raison que l’espérance de perte est moindre dans les deux précédents scénarios. En résumé, la prise de risque est moindre pour le client s‘il reste en position sur une journée plutôt qu’un période d’un mois.

Les coûts sont également différents.

La recommandation d’une durée d’un jour de la BNP et l’annualisation des coûts dans le document revient à acheter et vendre ce produit tous les jours sur une longue période et donc des coûts d’entrée et de sortie faramineux d’où l’incidence sur le rendement élevé.

Conclusion

Ce nouveau document a le mérite d’exposer une vision plus simple du produit et cela en quelques pages, ce qui rend sa lecture plus abordable pour un investisseur de détail qui est par définition moins aguerri qu’une personne travaillant dans le milieu de la finance.

Mais malgré le cadre imposé par la régulation et la publication des RTS, on vient de montrer que deux produits identiques émis par deux distributeurs différents peuvent amener à deux documents avec des stratégies qui différent (pour le premier moyen terme et le deuxième court terme).

Charge au client de se faire sa propre idée et de faire confiance plus à un distributeur qu’un autre.