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Stress tests : Comment évaluer la résistance d’une banque ?

12 mai 2021 | Beyond Finance, Risques | 0 comments

1- Qu’est ce qu’un stress test ?

Les stress tests (ou tests de résistance en français) servent, dans le monde de la finance, à éprouver l’impact sur une institution financière de conditions très difficiles ou des situations peu “optimistes” (situation extrême, peu probable), par un exercice de simulation. Dans le domaine bancaire, l’objectif est d’évaluer les capacités des banques à faire face à toutes les catastrophes possibles susceptibles de les conduire à la faillite et de provoquer, par effet domino, l’effondrement du système bancaire.

Les stress tests peuvent être globaux (portés sur l’institution financière dans son ensemble) ou partiels (appliqués sur un périmètre restreint de l’activité : un pays, un produit financier, un ensemble d’actifs, un métier…).

Accessoirement, Ils permettent également d’établir un classement des banques les plus sûres, les plus solides.

À noter que les stress tests ont vu le jour en 1997 après la crise asiatique. Cependant leur pratique s’est généralisée depuis la crise des subprimes de 2008.

Depuis, l’Autorité Bancaire Européenne a réalisé plusieurs séries de stress tests sur les banques européennes. Ces tests se sont déroulés en 2010, 2011, 2014, 2016 et 2018 sur environ une cinquantaine de banques.

2- Objectifs et enjeux d’un stress test

La finalité des stress tests est d’étudier les banques dans un environnement défavorable afin de réduire le risque systémique et ainsi d’évaluer leur résistance face à une dégradation prononcée de l’environnement financier. Il s’agit le plus souvent d’évaluer les ratios de solvabilité ainsi que les besoins en liquidité et en fonds propres.

Ces tests sont menés par les Banques centrales. En Europe, les stress tests sont réalisés par un organisme appelé l’Autorité Bancaire Européenne (ABE ou EBA en anglais). Cet organisme dépend de l’Union Européenne.

3- Comment valider un stress test ?

Pour savoir si une banque est résistante face à un scénario donné, on utilise le ratio de solvabilité. Il sert à déterminer si les réserves de la banque (appelées aussi fonds propres) sont suffisantes pour faire face aux imprévus (par exemple des clients qui n’arrivent plus à payer leurs dettes ou à tenir leurs engagements envers la banque).

En Europe, il existe des règles et normes très strictes imposées par la BCE (Banque Centrale Européenne). Elle fixe individuellement pour chaque banque le ratio de solvabilité qu’elle exige d’elle. Par exemple, pour 2018, la BCE a fixé un ratio de solvabilité 2018 de 9,125% pour BNP Paribas. Cela veut dire que le montant des réserves de BNP Paribas doit être au moins égal à 9,125% du montant de ses engagements (montants de crédits accordés, etc).

En d’autres termes, afin de valider un stress test, il faut que le ratio de solvabilité, soit supérieur à la valeur imposée par les autorités financières.

On n’est bien évidemment, pas à l’abri d’avoir “de mauvaises surprises” et il peut arriver ainsi que des banques échouent lors d’un stress test.

En Europe, si une banque échoue (Autrement dit, elle ne peut pas faire face au scénario imposé par l’EBA – donc ratio de solvabilité très faible ou en dessous de celui imposé par les autorités de contrôle), elle dispose alors de deux semaines pour présenter à la Banque Centrale Européenne (BCE) une solution qu’elle devra mettre en place dans les six mois à venir. Si vous avez besoin d’être accompagné par des professionnels, rapprochez-vous de notre expertise Risques ! Des experts pourront vous aider à y voir plus clair.

4- Comment construit-on un stress test?

Chaque stress test, quel que soit sa nature, repose sur un jeu de scénarios (scénario de base, scénario « stressé », scénario “choqué”…) ainsi qu’un modèle.

4.1- Le scénario

Le scénario constitue les hypothèses décrivant les conditions extrêmes.

On distingue quatre types de scénario :

Pour les scénarios sensibilités on cherche à mesurer la sensibilité d’un portefeuille vis-à-vis des variations de facteurs de risques.

Les scénarios historiques où l’on reproduit les variations constatées sur un période de crise passée tandis que pour les scénarios adverses on émet des hypothèses spécifiques de variations défavorables.

Les scénarios hypothétiques décrivent une réalité macro-économique vraisemblable et plus ou moins pessimiste, voire même catastrophique, qui est généralement imposée par les économistes des banques centrales. Par exemple, une augmentation du taux de chômage de 10%, augmentation des taux d’intérêt, de l’inflation.

L’impact du scénario est alors étudié en effectuant un « parallèle run » sur le portefeuille concerné par le test. Il faudra ensuite suivre l’évolution des métriques concernées à la suite de cette simulation. Par exemple pour les stress test xVA en risque de contrepartie, on suit l’évolution des métriques d’ajustement crédit, débit et funding et on mesure l’impact par rapport à la situation actuelle (non stressée)

4.2- Le modèle

Un modèle est l’ensemble des méthodes et processus employés pour traduire le scénario en impacts sur les institutions concernées. Le processus lui-même peut être ascendant (bottom-up) ou descendant (top-down).

Dans un processus ascendant, une institution fournit à toutes les entités testées un scénario, dont elles estiment en interne l’impact avec leurs propres modèles. L’institution fournissant le scénario peut être un régulateur national ou régional, comme l’EBA et les entités testées les banques dépendant de son autorité.

Dans un processus descendant, l’institution à l’initiative du test et applique de manière uniforme son propre modèle aux données fournies par les entités testées.

5- Cas concrets de stress tests EBA

5.1- Stress test 2010

Ce stress test fait suite aux crises économiques de 2007 et 2008. En effet, un scénario sévère a été imposé à plus de 90 institutions bancaires européennes.

Les points importants sur le scénario :

• Une chute de croissance sur deux ans :

o Pour la zone euro de -0,2% en 2010 et -0,6% en 2011

o Pour la France, de 0,7% en 2010 puis -0,1% en 2011 soit une perte de croissance cumulée sur l’horizon du stress de 2,1 points de PIB par rapport au scénario central

• Un niveau de chômage élevé

• Un taux d’intérêt court terme égal à celui de la crise financière de 2007-2008

• Un taux d’intérêt long terme équivalent aux années 2000

• Une dépression macroéconomique sévère, sans reprise immédiate

• Une baisse de l’immobilier résidentiel

Chaque institut bancaire devait chiffrer et mesurer l’impact (les pertes) sur son portefeuille et ainsi estimer le ratio en fonds propres dans le pire des scénarios. Pour valider le stress testing, il fallait avoir un ratio de solvabilité supérieur à 6% exigé par les autorités de contrôle.

La bonne nouvelle est que les banques françaises ont bien réussi le test. Elles sont ainsi considérées comme étant résistantes face à cette crise.

Institut bancaireRatio dans le pire scénario
BNP9,6
Crédit Agricole9
Société Générale10
BPCE8,5

Le point négatif à noter est qu’environ 7 banques européennes sur 90 n’ont pas validé ce stress test.

6.2- Stress test 2018

Le stress test 2018 a permis de tester la résistance d’environ 50 banques européennes (dont six groupes bancaires français) face à la situation de crise économique très sévère de 2008.

Le scénario “catastrophe” consiste à :

• Un écart de 8,3% du PIB de l’Union Européenne par rapport à son niveau de référence en 2020,

• Une augmentation du chômage d’environ 3,3 points d’ici 2020,

• Une baisse de l’inflation de 1,9% par rapport au niveau de référence et

• Une baisse de l’immobilier résidentiel de 27,7% et commercial de 27,1% par rapport au niveau de référence d’ici 2020.

Pour valider les stress test, il fallait avoir un ratio de solvabilité supérieur ou égal à 5,5% exigé par les autorités de contrôle.

Au point de départ (décembre 2017), le ratio de solvabilité moyen de toutes les banques de l’échantillon de test de résistance était de 14,4%. Après mesure d’impact, le ratio passe à 10,9%.

Toutes les banques ont donc respecté l’objectif de ratio minimum de fonds propres de 5,5%. Ce résultat montre que les banques européennes sont plus résistantes aux chocs financiers. Le point négatif est que certaines banques françaises ont bien souffert face à ce scénario et sont sortis avec un ratio largement en deçà de la moyenne (même si le stress test est validé) à l’image de de BNP Paribas avec ses 8,64%, de La Banque Postale avec 8,22% mais surtout de la Société Générale avec 7,61%.

6- Conclusion

Le stress test est ainsi un bon moyen permettant à une institution financière d’évaluer sa résistance en cas d’événements improbables. Cependant, des limites ont été révélées. En effet, dans certains cas, les conséquences sont floues pour les institutions qui échouent aux stress tests. Les conséquences ne sont pas traitées au cas par cas. Les scénarios économiques dégradés sont parfois soupçonnés d’être incomplets. Par exemple, en 2018, certains banquiers n’ont pas compris le fait de ne pas exclure l’Italie de la zone euro, confirmant le fait qu’un tel scénario aurait fait échouer certaines banques.

De telles limites et critiques émanent de plusieurs autorités bancaires. Risque-t-on d’avoir une revue des modèles et des scénarios proposés ? Aura-t-on une nouvelle méthodologie de test de résistance bancaire ?

Nous serons cela très prochainement dans un nouvel article.